Accéder au contenu principal

De la fragilité des choses

    Au centre de la ville de Bruxelles ont été inaugurés en juillet 2009 des mâts-drapeaux conçu par l'artiste français Daniel Buren.  « Bleus sur jaune », c’est le titre de l’œuvre, est constitué de 89 mâts implantés dans le sol de la place de la Justice. Les mâts ont  des grandeurs différentes (de 7m 50 à 12m 20) en fonction de la dénivellation du sol afin que les sommets soit à hauteur égale. Cette implantation se voulait au départ une sorte de « forêt » à travers laquelle les véhicules et les piétons passent. L’œuvre est donc intimement attachée au lieu. Près de 16 ans plus tard, la vision qu’elle offre aux passants paraît bien piteuse.

    L'art dans l'espace public reflète le changement stylistique, historique et l'expression d'une identité culturelle en évolution. Les œuvres d'art public n'ont pas cessé d'enrichir les collections des villes depuis leurs créations, et l’art public moderne, peut-être plus que les autres, souffre maintenant des ravages du temps. Souvent fabriquée avec des matériaux moins durables que ceux plus traditionnels, l'œuvre publique contemporaine demande de nouvelles politiques et de nouveaux traitements de conservation.

    Les nouvelles conceptions de l’art public imposent une réflexion sur la patrimonialisation de l'œuvre publique contemporaine lors de sa mise en valeur.  La longévité d’une œuvre dépend souvent de la nature de sa construction, de l’environnement où elle se trouve et surtout des traitements qu'elle reçoit. Les drapeaux de Buren en extérieur ont été confrontés à des conditions météorologiques fluctuantes et parfois extrêmes. Le soleil a souvent changé le bleu en vert, les tissus sont déchirés ou absents, les mâts sont affaissés ou tordus. Une première rénovation a déjà eu lieu en 2017 pour le même type de dégradations.

    La vision de l’œuvre de Buren est rendue d’autant plus pénible qu’elle peut être vue de bas en haut ou de haut en bas (sur le pont), on ne peut que constater longuement sa dégradation, sous tous les angles possibles. De plus, elle se situe sur deux axes très fréquentés de la capitale, notamment par les nombreux touristes.

    Le maintien de l’œuvre n’est pas discutable. Elle a été choisie, acceptée, installée – elle doit donc être conservée et protégée dans l'intégrité de l'intention de l'artiste. Mais si sa réhabilitation est indispensable pour qu’elle puisse retrouver adéquatement sa place dans la collection d'art public, pourrait-on imaginer des modifications ou des adaptations plus pérennes ?  Dans la mesure où, dans ce cas, il aurait la nécessité d'inclure dans le processus de recomposition l'engagement de l'artiste, il y a urgence !

    Nicolas Houyoux

    — 12 Juin 2025 —