Une symbiose productive
La firme d’architecture montréalaise Pelletier de Fontenay dévoile le nouveau pavillon d’accueil du Jardin botanique. En lien avec la métamorphose de l’Insectarium de Montréal et la transformation de l’entrée du parc Maisonneuve, le Jardin botanique de Montréal offre un pôle d’accès repensé et modernisé pour ce secteur emblématique. Le nouveau pavillon accueille les visiteurs, facilite la vente de billets, et fournit des informations sur le Jardin botanique et l’Insectarium. Il comprend également une guérite pour le contrôle des billets.
La vision, élaborée en collaboration avec l’équipe d’architectes paysagistes de la division de l’Aménagement des parcs urbains de la Ville de Montréal et de la firme Lemay, agit comme une liaison entre l’univers du parc Maisonneuve et le parvis de l’Insectarium tout juste complété. Le principal défi du projet était de mieux accompagner et orienter les visiteurs vers l’Insectarium et le Jardin botanique, tout en respectant le riche héritage du site.
En étudiant la longue histoire des pavillons de parcs et de jardins, l’équipe Pelletier de Fontenay s’est intéressée à la figure de la ruine comme porteuse de plusieurs idées qui entrent en résonance avec les questionnements contemporains. Thème récurrent des jardins anglais des 18e et 19e siècles, l’image de la ruine envahie par la végétation est profondément enracinée dans un mouvement romantique qui affirme la supériorité de la nature sauvage, l’imperfection, le sublime et un fort sentiment de nostalgie pour un monde naturel disparu. Ces architectures, une fois colonisées par la végétation et les autres formes de vie, proposent une symbiose entre le monde construit et le monde vivant, une symbiose productive, où l’architecture devient littéralement un support à la vie. Comme une ruine romantique envahie par les plantes, le Pavillon d’accueil du Jardin botanique de Montréal se pose comme une figure hybride où l’architecture et la nature se rencontrent. Humblement, à son échelle de pavillon, la construction, une fois entièrement couverte des vignes qui sont plantées à sa base, deviendra une infrastructure accueillant insectes, oiseaux et petits mammifères.
À la fois visible du parc Maisonneuve et de l’Insectarium, le nouveau pavillon d’accueil se place stratégiquement au point d’inflexion du parcours d’approche. Son plan triangulaire est déterminé à la fois par la volonté de créer un point dans le paysage que par la gestion des flux de circulation : on y entre par un côté et en ressort par l’autre en poursuivant son chemin naturellement vers l’entrée du Jardin botanique et de l’Insectarium. À la base du volume, les coins du triangle forment des piliers supportant un large toit de forme carrée. L’interaction des deux géométries dégage de généreux débords de toiture protégeant les visiteurs du soleil et des intempéries. Les entrées et sorties deviennent ainsi des zones à l’abri du soleil, du vent ou de la pluie où les visiteurs peuvent attendre quelqu’un, ou encore faire la file si jamais il y a affluence.
La grande toiture se poursuivant de l’intérieur vers l’extérieur supporte cette idée de continuité du paysage. Ainsi, dès que les températures printanières le permettent, et jusqu’au milieu de l’automne, les grandes portes coulissantes du pavillon peuvent rester ouvertes et ainsi effacer les limites entre l’intérieur et l’extérieur de façon littérale. Cette façon d’ouvrir largement le bâtiment sur le paysage est fondamentale pour Pelletier de Fontenay. Tout en planifiant notre visite, achetant nos billets sur les bornes numériques ou prenant des informations au comptoir, on peut continuer de sentir le vent et la chaleur, d’entendre les oiseaux, et de humer les odeurs de la forêt à proximité. En termes bioclimatiques, accepter d’être en synchronisation avec la météo du jour élimine aussi la nécessité de la climatisation ou du chauffage pour une bonne partie de l’année.
L’assemblage et la superposition de ces deux formes simples - le triangle et le carré - donnent un aspect primitif à l’ensemble. Loin de mettre de l’avant sa construction, la tectonique du pavillon est complètement sublimée au profit d’une peau monomatière qui recouvre toutes les surfaces de façon uniforme. Cette peau est entièrement faite d’acier Corten déployé, sauf pour les faces intérieures verticales où l’acier reste lisse. Le projet prend le contre-pied de l’idée de l’architecture comme assemblage, comme expression technique, et cette expression constructive s’efface pour laisser place à une expression monolithique, énigmatique, archaïque. Conceptuellement, le visiteur pourrait en quelque sorte avoir le sentiment que la structure préexiste au jardin qui aujourd’hui l’entoure.
L’utilisation de l’acier Corten supporte cette idée d’une structure usée et patinée par le temps. La structure expansée des feuilles offre une surface d’accroche idéale aux plantes grimpantes et la taille des ouvertures est calibrée pour permettre à ces dernières de naviguer de part et d’autre de la peau, entrant parfois dans la cavité architecturale pour en ressortir plus haut. Avec l’oxydation progressive du revêtement d'acier Corten et la colonisation de la structure par les plantes grimpantes, l’apparence du pavillon évoluera avec le temps, évoquant cette ruine romantique progressivement ravalée par la nature, développant une relation symbiotique avec elle.