Magnifier la boue

A l’heure du ‘tout tout de suite’, ils souhaitaient mettre en place, via des expérimentations pratiques une technique de construction. Grâce à leur posture verniculaire, typique de la méthodologie Barreau Charbonnet, ils s’appuient sur des savoir-faire traditionnels d’hier, s‘inspirent des cultures et des lieux pour ériger chacun de leur projet.

‘Adepte des expérimentations atypiques*, le projet V.A.S.E est un chapitre que l’on est en train de vivre et de créer au gré de nos recherches et résidences. Nous avons eu 3 projets au contexte aquatique où la vase faisait sens. Derrière l’utilisation de cette matière oubliée et ce projet qui touche à une question environnementale responsable, ce qui est passionnant c’est de travailler avec nos mains cette terre crue et sur différentes échelles : de micro-architectures à une série de mobilier et accessoires qui s’inscrivent dans la lignée d’un patrimoine préservé mais reliés également au futur.’ explique Jules Charbonnet - fondateur et associé du studio Barreau Charbonnet.

‘La vase est fascinante ! Résultat de siècles d’accumulation et de sédimentation de microorganismes végétal et animal, Elle captive autant qu’elle peut faire peur, en témoignent les croyances fantasmagoriques associées au marécages, aux vasières truffées de sables mouvants...’ ajoute Nicolas Barreau - fondateur et associé du studio Barreau Charbonnet. Ce sont les physionomies des côtes, plates et basses, ainsi que la faible agitation de l’eau du fait de l’atténuation des courants de marée et des vagues qui favorisent le dépôt des particules fines en suspension dans l’eau, qui s’accumulent et constituent un milieu naturel bien particulier : la vasière.

Après Vannes, et Amiens, le 3ème opus se tiendra dès le 29 juin à Nantes avec le projet Tribu Loire une série d’objets a échelle humaine exposée à la Maison de l’architecture, un nouveau lieu avec le Voyage à Nantes. Avec une Sélection de 10 artefacts : sculptures, mobiliers, objets et microarchitectures, réalisés avec la vase de Loire et selon différentes techniques : dégorgée / mélangée et fibrée avec foin et ouate de cellulose / structurée avec liteau de bois et grillage acier / mélangée avec colle à bois et enduite ou appliquée comme de la peinture / compressée et formée dans des moules / séchée à l’air libre pendant des mois / percée, coupée, poncée avec outillage diamant / polie et cirée à la cire d’antiquaire.

Barreau Charbonnet ajoute : ‘Dans ce contexte géographique et actuel, la vase fait sens. Nous voulons magnifier cette boue, elle est vivante, intarissable, fruit de l’érosion, contient les traces et les messages des temps anciens, elle symbolise la transformation des matériaux, la matière finale d’un cycle, le mélange des particules restantes. Elle devient source de nouvelles vies, classée comme un écosystème protégé. Le climat asséchant le fleuve, le bouchon vaseux fait surface, la vase abonde, congestionne les stations d’épuration d’eau et contraint les déplacements de la faune aquatique, la navigation et la bonne irrigation des terres environnantes. Et nous pouvons facilement s’en emparer.’