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Construire de manière sensible

    La Yanakie House, conçue par Richard Stampton avec Christy Bryar, défie l’architecture du bush australien, en mélangeant exposition et isolement, formes anciennes et sensibilité environnementale.

    Situé sur la côte isolée de Yanakie dans l’état de Victoria, en Australie, ce projet ne se contente pas de reproduire le lexique architectural établi, mais le remet en question, en repensant la manière de construire de manière sensible mais provocatrice dans l’écologie complexe du bush.

    Évoquant des formes archaïques tout en rejetant l’intégration harmonieuse, cet ensemble de cylindres en terre et en béton se démarque des idéaux dominants de l’architecte Glenn Murcutt d’un flux intérieur-extérieur continu, embrassant plutôt l’ambiguïté et la tension dans sa relation avec la terre.

    La disposition fragmentée de la maison est son aspect le plus frappant. Chaque cylindre remplissant une fonction distincte, la maison se disperse dans le paysage, obligeant les occupants à traverser le bush environnant lorsqu’ils se déplacent entre les pièces.

    Le résultat est une conscience accrue de l’environnement – chaque pas à l’extérieur réintroduit l’expérience sensorielle du monde naturel : les sons aigus des cacatoès, l’odeur de l’eucalyptus et les changements imprévisibles de la météo. Cette dispersion brouille la frontière entre le domestique et le sauvage, un contrepoint délibéré aux enveloppes monolithiques de la plupart des maisons contemporaines.

    Ses formes cylindriques, austères et industrielles, ressemblent plus à des réservoirs de stockage qu’à des espaces de vie, remettant en question les idées préconçues du spectateur sur la domesticité. Ces structures apparaissent comme des interventions infra-structurelles plutôt que comme des espaces centrés sur l’humain, soulignant l’indifférence du bâtiment à la propriété ou à la domination humaine. Le résultat est une architecture qui semble presque ancienne, proche des ruines mégalithiques, s’intégrant dans les échelles de temps écologiques du paysage plutôt que dans les rythmes éphémères de la vie quotidienne.

    « Visuellement, Yanakie House résiste à de nombreuses qualités formelles que nous associons à la ‘maison’. », explique Richard Stampton

    En même temps, la maison ne rejette pas complètement le besoin humain de protection et d’intériorité. Les étroites fenêtres creusées dans les murs épais limitent les vues à des tranches verticales contrôlées, créant des moments d’enfermement et d’isolement. Cette tension – entre l’exposition à la nature sauvage et le retrait de celle-ci – constitue la dynamique fondamentale de la maison.

    Plutôt que de poursuivre la stratégie galvaudée consistant à effacer les frontières entre l’intérieur et l’extérieur, Yanakie House les accentue, renforçant l’idée que toute intervention architecturale dans un tel environnement restera toujours, dans une certaine mesure, une intrusion.

    Yanakie House se présente comme une méditation profondément réfléchie sur la construction dans le bush, un projet qui ne romance ni ne nie les défis environnementaux et philosophiques de cette entreprise.

    En embrassant la fragmentation, la contradiction et l’ambiguïté, Stampton et Bryar ont créé une maison qui reconnaît son statut à la fois comme partie intégrante et distincte de son paysage, une maison qui, dans son austérité silencieuse, parvient à honorer la beauté profonde du bush australien.

    — 27 Octobre 2024 —